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Les résistances à l’induction hypnotique
Commencer par explorer le symptôme le plus mobilisable
Par le Dr. Jean-Marc BENHAIEM

Chez les patients « résistants » à l’hypnose, un trouble peut en cacher un autre. Offrant une possible voie de contournement au thérapeute pour amener au changement.  

Tous les êtres humains sont hypnotisables. Ils possèdent tous cette qualité, l’influençabilité ! Elle leur permet d’être en relation, d’apprendre, de découvrir et d’acquérir des connaissances. Cette disposition, bénéfique pour l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, est activée aussi par la publicité, le commerce, les réseaux sociaux et la politique dans une démarche assimilée à la manipulation. Dans le cadre du soin, cette suggestibilité est utilisée au bénéfice du patient. Malgré cette bonne intention, il arrive toutefois que la personne refuse ou redoute de s’abandonner à la transe hypnotique. Ces personnes sont décrites comme résistantes à l’hypnose. Milton Erickson, dans une série de cas cliniques, nous explique qu’avec ces patients, il faut recourir à des stratégies indirectes. Il faut ruser pour contourner leurs résistances. Les raisons de résister sont nombreuses et souvent en lien avec des systèmes de défense établis depuis l’enfance. Les résistances sont inconscientes et préservent le patient de tout changement qui pourrait le désorienter. Parfois elles sont conscientes et incitent à échouer et à rigidifier une détresse qui devient une plainte chronique, un appui quotidien. Ces patients sont une provocation pour les praticiens en hypnose qui se voient dans une impasse thérapeutique par le refus d’entrer dans la transe.

Triade de symptômes chez les résistants à l’hypnose
Madame A. vient pour une difficulté à ressentir du plaisir pendant les rapports sexuels. Je la questionne et elle confirme qu’elle a aussi des migraines fréquentes et une peur à conduire sur des autoroutes. Elle n’entre pas dans la transe hypnotique et reprend la parole pendant les tentatives d’induction.
Madame B. consulte pour un vaginisme. Elle ressent un muscle contracté dans son vagin et ne ressent pas de plaisir avec son mari. Elle s’installe mais son attention reste vigilante sur ses contractures musculaires qu’elle observe.
Monsieur C. a des fortes douleurs dans son ventre. Son côlon est dilaté et douloureux. Il dit manquer de confiance en lui. Il ajoute qu’il aime bien tout contrôler et souffre de lombalgies. Il change plusieurs fois de positions et fait des commentaires qui l’empêchent d’entrer dans l’hypnose.

Après avoir établi que l’hypnose serait une bonne indication pour ces patients, il est décevant que ces patients se tiennent à l’extérieur du soin, refusant d’entrer dans le processus thérapeutique malgré de bonnes intentions des deux parties. Ces cas de résistances ont poussé plusieurs thérapeutes à explorer des chemins pour les contourner pour soulager leurs patients. Le psychiatre Georges Abraham écrit en 1965 : « Une forme plus subtile de résistance est peut-être constituée par le net refus du sujet à accéder à des transes suffisamment profondes ; l’hypnose est induite mais reste toujours très superficielle. Dans le maniement des cas manifestant une résistance à l’hypnose, nous avons été frappés par la fréquente présence d’une triade constituée par : une insomnie constante ou périodique, des souffrances de type hyperalgique avec une certaine complaisance masochiste pour la douleur et avec d’abondants bénéfices secondaires, et enfin une frigidité ou hypoesthésie sexuelle. »

Il y aurait donc une fréquente association de plusieurs pathologies en lien avec la difficulté à s’abandonner. Une difficulté à se laisser aller, à renoncer à un contrôle conscient. Une position ambivalente entre le désir d’aller mieux et une fermeture à toute sensibilité. « Quand l’accès à la transe hypnotique a été impossible ou difficile, nous avons très souvent repéré une triade de symptômes qui ne sont pas forcément évoqués par les patients. L’hypoesthésie sexuelle se range comme une négation de la relation à autrui et au plaisir, l’insomnie manifeste la méfiance envers l’abandon d’un contrôle personnel de soi-même et les algies témoignent d’une mauvaise intégration au monde... Au point de vue pratique, nous avons constaté que parfois ces malades peuvent renoncer à leur résistance si nous refusons de les traiter pour les symptômes causes de la consultation. »

Travailler sur les autres troubles
Devant des patients qui ont vécu plusieurs échecs avec différentes thérapies dont l’hypnose, la solution proposée serait de repérer cette triade de troubles et de leur proposer en premier lieu de résoudre un autre problème qu’ils n’avaient pas forcément évoqué mais que le thérapeute a repéré lors de son interrogatoire. Par exemple, aborder un trouble du sommeil pour une patiente venue pour des troubles sexuels. Ou travailler sur leurs migraines avec des patients consultant pour des troubles du sommeil. Georges Abraham le confirme : « En outre, quand la résistance à l’hypnose a été surmontée, nous avons pu voir parfois une amélioration spontanée relative à un symptôme qui n’avait pas été visé par le traitement hypnotique, tandis que le symptôme cible restait inchangé. »

Le thérapeute ne doit pas se laisser capter par un symptôme, une plainte. Il doit voir plus large. Son regard s’étend à toute la personne et doit repérer que les blocages ont souvent la même origine. Il contourne les murs de la forteresse et trouve un passage simple indirect qui ouvre au changement chez son patient. En résumé, il nous faut faire cette expérience d’explorer l’existence possible d’une triade ou d’une dyade de symptômes et tenter une approche indirecte, parfois confusionnante, avec ces patients sur le qui-vive. Cette attitude enlève toute pression pour les consultants et le thérapeute. Elle permet d’établir une relation de confiance, une bonne entente pour permettre un changement profond. Le thérapeute soigne non pas les symptômes mais l’origine des pathologies, une attitude cataleptique qui perturbe plusieurs fonctions naturelles. Il est impossible d’établir une règle générale sur cette observation qui s’inspire de cas cliniques qui ont été résolus par cette approche stratégique ouverte sur la personnalité des patients.


Association de Formation : AFEHM
Site : www.hypnose-medicale.com

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